mardi 8 mai 2012

Arrondissements: inéquités et brouillard en vue

Suite au Comité de chantier sur les services de proximité et de gouvernance, la ville de Sherbrooke propose de retrancher un élu dans chacun des arrondissements populeux.  Bien des gens, dont moi-même, étaient d’accord avec le principe de réduire le nombre d’élus. La ville de Québec n’est-elle pas bien gouvernée et dynamique alors que ses élus représentent 24 500 citoyens chacun, comparativement à 8 300 en moyenne à Sherbrooke?


Le problème, c’est que la Ville s’est tellement imposé de contraintes que cet exercice n’a plus de sens. Par exemple, le fait qu’on doive compter un minimum de trois conseillers dans un conseil d’arrondissement fait en sorte qu’il est impossible de retrancher un conseiller municipal dans les arrondissements de Brompton et de Lennoxville, à moins de fusionner ceux-ci avec d’autres ou d’enlever tous les arrondissements. Cependant, la Ville s’est donné comme obligation, avant même le début des travaux, de conserver les arrondissements et leur territoire. C’est pourquoi la réduction du nombre d’élus ne pouvait provenir que des grands arrondissements.


Là où le bât blesse, c’est que dans les arrondissements populeux, les élus desservent déjà beaucoup plus de citoyens que dans les petits. Avec les changements proposés, le manque d’équité sera encore plus grand. Dans l’arrondissement de Lennoxville, trois élus représenteront 5 350 citoyens, soit moins de 1 800 personnes par élu. Un conseiller de Fleurimont, pour sa part, devra rendre des comptes à 10 400 citoyens. On peut comprendre dès lors qu’il sera toujours relativement plus facile pour les élus des petits arrondissements de mobiliser leurs citoyens pour influencer les décisions du conseil municipal. Il faut aussi noter que les budgets de recherche et secrétariat accentuent le phénomène.  À l’heure actuelle, 4 $ par citoyen peuvent être dépensés à Brompton à ce chapitre, contre 0,90 $ par citoyen à Rock Forest-Saint-Élie-Deauville. Espérons que la Ville saura convaincre Québec de modifier la loi quant à l’allocation de ces budgets. Une question se pose toujours: veut-on réellement accentuer le déficit démocratique actuel pour économiser 250 000 $?


Les Sherbrookois de l’ancienne ville de Sherbrooke ont déjà beaucoup donné à la cause de la fusion municipale. Les baisses de taxes qu’on nous avait promises (200 $ par an) se sont envolées quand le conseil municipal a décidé, sans consulter les citoyens, de donner Hydro-Sherbrooke à la nouvelle ville.  Il nous a aussi fallu partager nos services avec plus de gens, ce qui amène rarement une meilleure qualité de ceux-ci : diminution du nombre de collectes de déchets,  reconfiguration des circuits pour le transport en commun, état de nos routes, etc. Il a fallu attendre plusieurs années avant que tous les citoyens du nouveau Sherbrooke paient le même niveau de taxes que nous (il semblerait même que pour la taxe d’affaires, l’harmonisation ne soit pas encore terminée). Dix ans plus tard, on vient nous en demander encore un  peu plus par rapport aux petits arrondissements.


Le brouillard, pour sa part, provient de l’évaluation trop générale des économies reliées à l’exercice, en tenant compte des autres volets touchant les propositions du Comité. Par exemple, on nous dit que le travail des élus et des directeurs d’arrondissement sera facilité par l’implantation du 311, un service de gestion des plaintes. Cependant, on ne mentionne pas dans le rapport que ce service risque d’avoir des coûts récurrents avoisinant  600 000 $, sans compter les frais d’implantation qui seraient du même ordre (évaluation basée sur les coûts à Gatineau). N’oublions pas que couper quatre élus sauvera 250 000 $ par an.


De même, on nous dit que la centralisation facilitera la vente de l’ancien poste de police sur la rue Marquette. Pourtant, la centralisation mènera à l’abolition de moins de 20 postes de fonctionnaires, soit  trois par arrondissement en moyenne. Est-ce que la libération d’aussi peu d’espace fera une différence dans le choix de vendre ou conserver un immeuble aussi grand que l’ancien poste de police? On peut en douter.


Enfin, on va transformer des postes de généralistes en loisirs en postes de spécialistes et on ne semble pas comptabiliser de futures (et fort probables) hausses de salaire. Idem pour les directeurs d’arrondissement qui devront gérer deux arrondissements au lieu d’un seul. Aussi, toute la réorganisation va faire en sorte que plus d’employés municipaux auront à se déplacer de leur bureau vers les divers bureaux d’arrondissements, mais on omet de présenter l’impact sur les frais de déplacement (temps et kilométrage). Le brouillard s’épaissit.


En conclusion, oui à la réduction du nombre d’élus, mais quand on se décidera à revoir les territoires ou l’existence des arrondissements. Là, on pourra même se permettre de descendre à un nombre encore moindre, sans craindre que certains citoyens aient un poids politique moins important que les autres.  Oui également à une réorganisation des services, mais que la Ville nous présente des scénarios plus étoffés que celui sur la table afin que nous puissions nous prononcer sur la base de données plus près de la réalité.

P.S. Cette lettre a été envoyée à La Tribune pour publication il y a une semaine environ. Elle n'a cependant pas été publiée.

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