mercredi 10 octobre 2012

Le sentier réfrigéré est-il une priorité dans le contexte actuel

Les élus savent-ils gérer un budget et des priorités? C’est ce que je me demande suite à la décision de la Ville d’aller de l’avant avec le projet de sentier glacé réfrigéré au marché de la Gare.

Tout d’abord, on précipite les choses pour ne pas perdre la subvention de 75 900 $ remise par Molson Coors, même si pour cela, la ville doit ajouter 161 000 $ pour louer des équipements et permettre la réfrigération du sentier. Ainsi, cette dernière dépensera un montant deux fois plus grand que la subvention, pour une petite patinoire de 154 mètres de long qui sera ouverte durant quatre mois. Pour chaque jour de fonctionnement, il en coûtera donc 1 340 $ des fonds de la Ville. Il est mieux d’y avoir du monde pour justifier une telle dépense! Mais en même temps, combien de monde peut accommoder une aussi petite patinoire? Les sprinters courent le 100 mètres en 10 secondes. On fera le tour du sentier de glace en combien de secondes? La congestion risque de survenir rapidement.

Ensuite, si la Ville trouve le projet pilote concluant, elle devra investir à nouveau pour rendre les installations permanentes. On nous parle d’un montant de 736 000 $. À celui-ci s’ajouteront des frais récurrents annuels de 94 000 $. Comme la « patinoire » sera en activité durant cinq mois, il en coûtera 626 $ par jour pour opérer la « patinoire » sur une base journalière. Si les installations ont une durée de vie de 10 ans, en ajoutant le capital investi, on dépasse les 1 000 $ par jour.

Quels seront les bénéfices retirés du projet? Les élus reconnaissent au moins que les équipements seront utilisés par les gens de la place, bien que M. Farrugia, dans son emballement, pense « rivaliser avec New York » et donc laisser entendre que le projet pourrait attirer des touristes.

Toujours selon M. Farrugia, « la seule limite qu’on a, c’est l’imagination ». Pour ma part, je pense qu’il faut aussi tenir compte de la capacité de payer des citoyens et des priorités budgétaires. Encore la semaine dernière, l’Union des municipalités du Québec réclamait plus d’argent du gouvernement provincial parce que les villes n’ont plus les moyens d’entretenir les infrastructures existantes. On n’a qu’à voir l’état des rues pour le constater. Et là, on a de l’argent pour rajouter un équipement bonbon? Et les fonds de pension relevant de la ville sont toujours très déficitaires, ne l’oublions pas. Ne devrions-nous pas consacrer l’argent à l’une ou l’autre de ces deux fins?

Sans compter qu’il existe déjà plusieurs patinoires à Sherbrooke. Peut-être pas toutes situées dans un environnement aussi féérique que le marché de la Gare, mais leur présence empêche de justifier un investissement aussi important pour un sentier aussi court. N’oublions pas aussi que l’arrivée du sentier réfrigéré signe l’abandon d’une patinoire beaucoup plus longue, dans le même environnement, et beaucoup moins onéreuse. En effet, le sentier de glace le long de la rue Esplanade, qui coûtait 25 000 $ par an, disparaîtra.

Je peux excuser M. Farrugia. C’est un rêveur et il voit à ses intérêts, puisqu’il a un commerce au marché de la Gare. Mais j’ai de la difficulté à comprendre que tous les élus, à l’exception de M. Rouleau, embarquent dans un projet aussi coûteux, qui a peu d’utilité sociale alors que les besoins sont criants sur nos routes et dans les fonds de retraite et que les probabilités que l'économie mondiale se dirige vers une récession sont élevées.

samedi 26 mai 2012

On devrait rendre les cours d'économie obligatoires

Voici un excellent article publié hier. Son auteur fait la démonstration qu'il se dit tout et n'importe quoi sur la place publique sur notre système économique et le conflit étudiant.

Voilà qui plaide pour la réintroduction des cours d'économie obligatoires au secondaire, donné par des économistes. Le gouvernement devrait également songer à rendre un cours d'économie obligatoire à tous les étudiants du Cégep.

Bonne lecture,

http://www.lapresse.ca/debats/nos-collaborateurs/martin-coiteux/201...

samedi 19 mai 2012

Les chambres de la coopérative du Cégep seront au-dessus du prix du marché

J'ai contacté un propriétaire de chambres pour étudiants dont les chambres sont restées vacantes en grande partie cette année. Pourtant, il fait des baux de 10 mois. Sa propriété, très propre, est située à 750 mètres du Cégep sur une rue agréable. Prix du loyer ? 280 $ par mois, Internet, services et meubles fournis. Il y a même une laveuse et une sécheuse dans la maison. Ainsi, quelque chose de comparable à la future coopérative du Cégep. Sauf que dans ce cas, le loyer sera de 350 $, soit 70 $ de plus par mois que pour la chambre dans une propriété privée.

mercredi 16 mai 2012

Mettre ses énergies sur l'enseignement et non le béton

Au cours des derniers mois, dans le cadre du débat sur la hausse des frais de scolarité, les universités se sont fait reprocher de trop investir dans l’immobilier, et pas assez dans des domaines qui augmentent directement la qualité de l’enseignement.

Étant donné que cet argument a été présenté sur plusieurs tribunes, je suis surprise de constater que personne ne semble remettre en cause la décision du Cégep de Sherbrooke de faire l’acquisition de l’ancienne église Notre-Dame-de-l’Assomption pour la transformer en coopérative d’habitation. Pourtant, on peut se demander quel but poursuit le cégep avec ce projet. Est-ce que les ressources et les énergies déployées ne seraient pas mieux investies ailleurs? On se rappellera qu’un premier montant de 20 000 $ a été autorisé pour procéder à l’analyse de faisabilité.

On ne peut pas dire qu’il y a pénurie de logements locatifs à Sherbrooke. La dernière enquête de la Société canadienne d’hypothèques et de logement révèle que 4,7 % des logements étaient inoccupés en octobre 2011, ce qui représentait un peu plus de 1 500 appartements en attente d’un locataire. On considère qu’un marché est équilibré s’il présente un taux d’inoccupation de 3 %. Les zones à proximité du Cégep, soient l’Est, le Centre et le Nord, affichaient des taux d’inoccupation variant entre 4,8 % et 6 %. Il y a donc plusieurs logements de disponibles dans les environs du cégep.

À ceux-ci s’ajoutent les chambres pour étudiants qui ne font pas partie de cette enquête. Depuis l’instauration de la passe d’autobus gratuite pour les étudiants, les pancartes de chambres à louer inoccupées semblent plus nombreuses dans les rues avoisinant le cégep.

Dans la future coopérative d’habitation, le loyer pour une chambre sera de 350 $ par mois. Bien qu’on parle ici de chambres meublées avec services, on ne peut pas dire que ce projet visera à fournir des logements plus abordables que ce qu’il y a sur le marché. À Sherbrooke, le loyer moyen pour un appartement de deux chambres est de 577 $ par mois. Si deux étudiants se partagent un tel logement, leur loyer équivaudra à ce que la coopérative offrira. Si trois étudiants décident de se partager un logement de trois chambres, dont le prix moyen est de 702 $, le marché privé sera plus abordable que la coopérative, sans compter que l’Est et le Centre présentent généralement des loyers inférieurs à la moyenne.

La coopérative ne sera pas située directement sur le campus du cégep. Les étudiants auront à franchir entre 750 mètres et un kilomètre pour rejoindre leur pavillon. Il ne peut donc pas s’agir d’accroître le sentiment d’appartenance.

Est-ce que ces logements seront destinés à des étudiants présentant des difficultés académiques à qui on offrirait des services d’études spécialisés? Il n’en est fait mention nulle part.

Il est donc légitime de se demander pourquoi le cégep veut se substituer au marché privé alors que celui-ci joue déjà bien son rôle. Le cégep n’aurait-il pas intérêt à se concentrer sur son mandat principal puisqu’il n’y a pas de réelle problématique que ce projet règlera en matière de logement pour les étudiants?

mardi 8 mai 2012

Arrondissements: inéquités et brouillard en vue

Suite au Comité de chantier sur les services de proximité et de gouvernance, la ville de Sherbrooke propose de retrancher un élu dans chacun des arrondissements populeux.  Bien des gens, dont moi-même, étaient d’accord avec le principe de réduire le nombre d’élus. La ville de Québec n’est-elle pas bien gouvernée et dynamique alors que ses élus représentent 24 500 citoyens chacun, comparativement à 8 300 en moyenne à Sherbrooke?


Le problème, c’est que la Ville s’est tellement imposé de contraintes que cet exercice n’a plus de sens. Par exemple, le fait qu’on doive compter un minimum de trois conseillers dans un conseil d’arrondissement fait en sorte qu’il est impossible de retrancher un conseiller municipal dans les arrondissements de Brompton et de Lennoxville, à moins de fusionner ceux-ci avec d’autres ou d’enlever tous les arrondissements. Cependant, la Ville s’est donné comme obligation, avant même le début des travaux, de conserver les arrondissements et leur territoire. C’est pourquoi la réduction du nombre d’élus ne pouvait provenir que des grands arrondissements.


Là où le bât blesse, c’est que dans les arrondissements populeux, les élus desservent déjà beaucoup plus de citoyens que dans les petits. Avec les changements proposés, le manque d’équité sera encore plus grand. Dans l’arrondissement de Lennoxville, trois élus représenteront 5 350 citoyens, soit moins de 1 800 personnes par élu. Un conseiller de Fleurimont, pour sa part, devra rendre des comptes à 10 400 citoyens. On peut comprendre dès lors qu’il sera toujours relativement plus facile pour les élus des petits arrondissements de mobiliser leurs citoyens pour influencer les décisions du conseil municipal. Il faut aussi noter que les budgets de recherche et secrétariat accentuent le phénomène.  À l’heure actuelle, 4 $ par citoyen peuvent être dépensés à Brompton à ce chapitre, contre 0,90 $ par citoyen à Rock Forest-Saint-Élie-Deauville. Espérons que la Ville saura convaincre Québec de modifier la loi quant à l’allocation de ces budgets. Une question se pose toujours: veut-on réellement accentuer le déficit démocratique actuel pour économiser 250 000 $?


Les Sherbrookois de l’ancienne ville de Sherbrooke ont déjà beaucoup donné à la cause de la fusion municipale. Les baisses de taxes qu’on nous avait promises (200 $ par an) se sont envolées quand le conseil municipal a décidé, sans consulter les citoyens, de donner Hydro-Sherbrooke à la nouvelle ville.  Il nous a aussi fallu partager nos services avec plus de gens, ce qui amène rarement une meilleure qualité de ceux-ci : diminution du nombre de collectes de déchets,  reconfiguration des circuits pour le transport en commun, état de nos routes, etc. Il a fallu attendre plusieurs années avant que tous les citoyens du nouveau Sherbrooke paient le même niveau de taxes que nous (il semblerait même que pour la taxe d’affaires, l’harmonisation ne soit pas encore terminée). Dix ans plus tard, on vient nous en demander encore un  peu plus par rapport aux petits arrondissements.


Le brouillard, pour sa part, provient de l’évaluation trop générale des économies reliées à l’exercice, en tenant compte des autres volets touchant les propositions du Comité. Par exemple, on nous dit que le travail des élus et des directeurs d’arrondissement sera facilité par l’implantation du 311, un service de gestion des plaintes. Cependant, on ne mentionne pas dans le rapport que ce service risque d’avoir des coûts récurrents avoisinant  600 000 $, sans compter les frais d’implantation qui seraient du même ordre (évaluation basée sur les coûts à Gatineau). N’oublions pas que couper quatre élus sauvera 250 000 $ par an.


De même, on nous dit que la centralisation facilitera la vente de l’ancien poste de police sur la rue Marquette. Pourtant, la centralisation mènera à l’abolition de moins de 20 postes de fonctionnaires, soit  trois par arrondissement en moyenne. Est-ce que la libération d’aussi peu d’espace fera une différence dans le choix de vendre ou conserver un immeuble aussi grand que l’ancien poste de police? On peut en douter.


Enfin, on va transformer des postes de généralistes en loisirs en postes de spécialistes et on ne semble pas comptabiliser de futures (et fort probables) hausses de salaire. Idem pour les directeurs d’arrondissement qui devront gérer deux arrondissements au lieu d’un seul. Aussi, toute la réorganisation va faire en sorte que plus d’employés municipaux auront à se déplacer de leur bureau vers les divers bureaux d’arrondissements, mais on omet de présenter l’impact sur les frais de déplacement (temps et kilométrage). Le brouillard s’épaissit.


En conclusion, oui à la réduction du nombre d’élus, mais quand on se décidera à revoir les territoires ou l’existence des arrondissements. Là, on pourra même se permettre de descendre à un nombre encore moindre, sans craindre que certains citoyens aient un poids politique moins important que les autres.  Oui également à une réorganisation des services, mais que la Ville nous présente des scénarios plus étoffés que celui sur la table afin que nous puissions nous prononcer sur la base de données plus près de la réalité.

P.S. Cette lettre a été envoyée à La Tribune pour publication il y a une semaine environ. Elle n'a cependant pas été publiée.

mardi 1 mai 2012

Frais de scolarité: le conflit serait terminé si on savait compter

Un gros merci à Luc Godbout, fiscaliste, de nous apprendre qu'avec la hausse des frais de scolarité et les modifications au régime des prêts et bourses, un étudiant dont les parents font 45 000 $ par an se retrouvera avec 3 581 $ de plus dans ses poches que par rapport au statu quo.

M. Godbout estime que tous les jeunes dont les parents gagnent moins de 65 000 $ seront plus riches suite à la hausse des frais de scolarité.

On mène encore une fausse bataille. L'enfer est pavé de bonnes intentions. Je préfère les faits aux intentions. Ils nous permettent de prendre de meilleures décisions.

L'article où l'on fait mention des calculs de M. Godbout peut être consulté dans La Tribune du 1er mai. Il est paru sous la plume de Stéphanie Grammond et porte le titre "Des gagnants et des perdants", en page 6. Cet article aurait dû faire la une du journal puisqu'on dit qu'on manifeste encore pour garantir l'accessibilité. Si on savait compter, le conflit serait terminé.

vendredi 13 avril 2012

Tout le monde peut-il réellement être premier ministre ?

“On ne peut pas comparer un recteur avec un premier ministre. On n’a pas besoin d’une aussi grande qualification pour devenir premier ministre que pour diriger une université. » Voilà les paroles de l’économiste Luc Savard, rapportées par Luc Larochelle. Selon M. Savard, c’est ce qui justifierait que le premier ministre du Québec gagne 175 000 $ par année alors que le recteur de l’université Bishop en fait 250 000 $ et que Réjean Hébert recevait 235 000 $ à titre de doyen de la faculté de médecine de l’université de Sherbrooke.

Cette affirmation n’a de sens que si l’on joue sur les mots, c’est-à-dire si l’on donne au terme qualification le sens de diplôme et/ou d’expérience spécifique sur le marché du travail. Ce résultat s’explique parce que les recteurs sont choisis suite à un affichage de poste où les universités précisent leurs exigences, alors qu’un premier ministre est nommé suite à une élection où tous peuvent se présenter, diplôme ou pas.  Dans ce sens, il est vrai que les exigences sont plus grandes pour le recrutement d’un recteur.

Cependant, si l’on considère le travail à accomplir, il est insensé de maintenir que le poste de premier ministre demande moins de qualifications, dans le sens de compétences ou habiletés, que celui de recteur d’université ou de doyen de faculté.

Une des difficultés pour un premier ministre, c’est la multiplicité des domaines d’interventions (éducation, transport, santé, redistribution du revenu, énergie, etc.) et la nécessité de faire des arbitrages entre chacun.  Les recteurs, eux, se concentrent sur un champ plus restreint d’interventions : enseignement, recherche, recrutement, financement, pour un seul établissement, et dans un seul domaine principal : l’éducation.  La complexité est donc moindre.

Un autre défi pour un premier ministre c’est de porter la responsabilité de l’ensemble de ce qui se fait dans l’appareil gouvernemental et cela 24 heures sur 24, sept jours sur sept et pratiquement 365 jours par année. Et d’en répondre devant les médias. Les recteurs officiant dans un milieu plus fermé et moins étendu font les manchettes beaucoup moins souvent.

Certains diront que ce n’est pas vraiment le premier ministre qui voit à la gestion de l’ensemble de l’appareil gouvernemental et politique puisqu’il est encadré par des ministres et des hauts fonctionnaires. De la même façon, on peut dire que le recteur ne fait pas tout le boulot à lui seul.  À l’université de Sherbrooke, par exemple, la rectrice est appuyée dans son travail par six vice-recteurs et un paquet de hauts dirigeants.

Question leadership, encore une fois, la tâche est plus difficile pour un premier ministre  que pour un recteur. Pour justifier ses choix, le premier ministre doit aborder des sujets complexes avec une population parfois peu connaissante en la matière et souvent peu intéressée à investir du temps afin de comprendre réellement le fond du problème et tous les aspects reliés à celui-ci. Le recteur, pour sa part, s’adresse généralement à un auditoire avec un niveau de connaissances plus élevé. 

Les propos de M. Savard nous font prendre connaissance qu’on sous-estime peut-être le travail qui échoit aux élus politiques et que c’est peut-être la raison pour laquelle les résultats sont parfois décevants. Devrions-nous établir des exigences minimales pour occuper un poste de député, de ministre, de premier ministre, de maire ? Avec la complexification de la société et la présence plus importante de l’État dans l’économie, je pense qu’il serait peut-être temps de se pencher sur cette question.  Et alors, peut-être que la logique reprendra le dessus et que le premier ministre aura droit à un salaire plus élevé que les recteurs ou les doyens.
Article paru dans La Tribune.

samedi 14 janvier 2012

L'heure est au compromis

Les régimes de retraite à prestations déterminées sont présentement sous les feux de la rampe en raison des importants déficits qu’ils affichent depuis plusieurs années déjà.

Dans le cas des régimes publics (fédéral, provincial, municipal ou scolaire), il faut se demander  à qui  il revient de porter ce fardeau financier. Le gouvernement doit-il être le seul à assumer cette responsabilité puisqu’un régime de retraite fait partie des avantages sociaux, ou bien les travailleurs doivent-ils également contribuer ?

Avant même d’aborder le partage des responsabilités, on pourrait songer à enlever le gras des régimes publiques afin d’atténuer les coûts actuels ou futurs. Voici deux exemples.

Tout d’abord, dans les cégeps, par exemple, on pourrait retirer aux gens qui décident volontairement de travailler à temps partiel durant une session le privilège de cotiser à temps plein au régime de retraite. Idem pour ceux qui optent pour un congé à paiement différé. Les professeurs qui se prévalent de ces mesures sont nombreux et le font souvent à répétition.  Ainsi, chaque année, le gouvernement doit contribuer pour un nombre plus élevé de personnes que ce qu’il embauche en réalité.  Il y a sûrement d’autres mesures excessives de ce type ailleurs dans les organisations gouvernementales. Un ménage s’impose.

Il faudrait également retirer le droit à un employé du gouvernement de prendre sa retraite et de continuer à travailler… pour le gouvernement. Le système de santé, le monde scolaire et la fonction publique regorgent de tels exemples. Il faut comprendre que la valeur du fond de retraite d’un employé varie selon l’âge auquel il prendra sadite retraite. Pour un employé de 55 ans qui jouirait d’une rente annuelle de 35 000 $ à sa retraite, la valeur de son fonds s’établit à 300 000 $ si le travail prend fin à 65 ans, et à 570 000 $ s’il se termine à 55 ans[1]. Bien entendu, c’est le gouvernement qui doit injecter la différence de 270 000 $. Pour un travailleur, il est financièrement avantageux de prendre sa retraite le plus tôt possible et de continuer à travailler : pour le même travail, il reçoit pratiquement deux fois plus d’argent. Il faut comprendre, cependant, que cette façon de faire coûte extrêmement cher au gouvernement et n’a pas sa raison d’être puisque le travailleur n’est pas réellement à la retraite. 

Le fait que plusieurs employés gouvernementaux continuent de travailler une fois retraités milite pour un accroissement de l’âge de la retraite. Le gouvernement devrait bouger rapidement à ce chapitre.  

Maintenant, en ce qui a trait au partage des déficits, je pense que les employés devraient mettre de l’eau dans leur vin et accepter d’en payer une partie, pour plusieurs raisons.

Premièrement, durant les périodes où les fonds de retraite affichaient des surplus, les employés en ont profité, pas seulement les employeurs : certains ont vu leur taux de cotisation être réduit, d’autres ont vu les avantages de leur fonds de retraite être bonifiés et certains ont même reçu en argent sonnant une partie de ces surplus. Si des avantages ont été attribués durant les périodes d’abondance, il est normal de se partager la facture quand ça va moins bien.

Deuxièmement, les fonds de retraite ont été développés sur la base d’hypothèses qui ne tiennent plus la route : l’espérance de vie s’est allongée et les taux d’intérêts sont à un niveau historiquement bas depuis plus d’une décennie. Il est aisé de comprendre que prévoir des variables qui ont une importance aussi cruciale sur une longue période est un exercice périlleux. Il serait normal d’ajuster les caractéristiques des fonds de pension en conséquence.

Troisièmement, les employés gouvernementaux font partie des gens qui bénéficient de très bonnes conditions par rapport au travailleur moyen. Par équité pour les gens qui travaillent dans le privé à 16 ou 20 $ de l’heure et qui paient des impôts, le gouvernement ne peut être seul à absorber le déficit des fonds de pension. Si un employé du secteur public considère qu’il n’a pas les moyens de payer plus cher pour maintenir son généreux fonds de pension, imaginez comment doit se sentir une personne qui gagne 20 $ de l’heure face à de nouvelles hausses d’impôt rendues nécessaires pour renflouer les fonds de retraite de gens souvent mieux payés qu’elle…

Tant qu’une situation est légale, on ne peut reprocher aux gens de s’en prévaloir, et tout le monde le ferait s’il le pouvait. Il faut cependant que les employés du public mettent un peu d’eau dans leur vin et laissent aller certains privilèges qui n’ont plus raison d’être.  

Hélène Dauphinais, économiste, enseignante au Cégep de Sherbrooke
Cet article a été publié dans La Presse et La Tribune du samedi 14 janvier 2012.



[1] Grammond, Stéphanie, « La question à 100 000 $ et plus! », La Presse, 9 septembre 2011, La Presse Affaires, p. 2.