samedi 14 janvier 2012

L'heure est au compromis

Les régimes de retraite à prestations déterminées sont présentement sous les feux de la rampe en raison des importants déficits qu’ils affichent depuis plusieurs années déjà.

Dans le cas des régimes publics (fédéral, provincial, municipal ou scolaire), il faut se demander  à qui  il revient de porter ce fardeau financier. Le gouvernement doit-il être le seul à assumer cette responsabilité puisqu’un régime de retraite fait partie des avantages sociaux, ou bien les travailleurs doivent-ils également contribuer ?

Avant même d’aborder le partage des responsabilités, on pourrait songer à enlever le gras des régimes publiques afin d’atténuer les coûts actuels ou futurs. Voici deux exemples.

Tout d’abord, dans les cégeps, par exemple, on pourrait retirer aux gens qui décident volontairement de travailler à temps partiel durant une session le privilège de cotiser à temps plein au régime de retraite. Idem pour ceux qui optent pour un congé à paiement différé. Les professeurs qui se prévalent de ces mesures sont nombreux et le font souvent à répétition.  Ainsi, chaque année, le gouvernement doit contribuer pour un nombre plus élevé de personnes que ce qu’il embauche en réalité.  Il y a sûrement d’autres mesures excessives de ce type ailleurs dans les organisations gouvernementales. Un ménage s’impose.

Il faudrait également retirer le droit à un employé du gouvernement de prendre sa retraite et de continuer à travailler… pour le gouvernement. Le système de santé, le monde scolaire et la fonction publique regorgent de tels exemples. Il faut comprendre que la valeur du fond de retraite d’un employé varie selon l’âge auquel il prendra sadite retraite. Pour un employé de 55 ans qui jouirait d’une rente annuelle de 35 000 $ à sa retraite, la valeur de son fonds s’établit à 300 000 $ si le travail prend fin à 65 ans, et à 570 000 $ s’il se termine à 55 ans[1]. Bien entendu, c’est le gouvernement qui doit injecter la différence de 270 000 $. Pour un travailleur, il est financièrement avantageux de prendre sa retraite le plus tôt possible et de continuer à travailler : pour le même travail, il reçoit pratiquement deux fois plus d’argent. Il faut comprendre, cependant, que cette façon de faire coûte extrêmement cher au gouvernement et n’a pas sa raison d’être puisque le travailleur n’est pas réellement à la retraite. 

Le fait que plusieurs employés gouvernementaux continuent de travailler une fois retraités milite pour un accroissement de l’âge de la retraite. Le gouvernement devrait bouger rapidement à ce chapitre.  

Maintenant, en ce qui a trait au partage des déficits, je pense que les employés devraient mettre de l’eau dans leur vin et accepter d’en payer une partie, pour plusieurs raisons.

Premièrement, durant les périodes où les fonds de retraite affichaient des surplus, les employés en ont profité, pas seulement les employeurs : certains ont vu leur taux de cotisation être réduit, d’autres ont vu les avantages de leur fonds de retraite être bonifiés et certains ont même reçu en argent sonnant une partie de ces surplus. Si des avantages ont été attribués durant les périodes d’abondance, il est normal de se partager la facture quand ça va moins bien.

Deuxièmement, les fonds de retraite ont été développés sur la base d’hypothèses qui ne tiennent plus la route : l’espérance de vie s’est allongée et les taux d’intérêts sont à un niveau historiquement bas depuis plus d’une décennie. Il est aisé de comprendre que prévoir des variables qui ont une importance aussi cruciale sur une longue période est un exercice périlleux. Il serait normal d’ajuster les caractéristiques des fonds de pension en conséquence.

Troisièmement, les employés gouvernementaux font partie des gens qui bénéficient de très bonnes conditions par rapport au travailleur moyen. Par équité pour les gens qui travaillent dans le privé à 16 ou 20 $ de l’heure et qui paient des impôts, le gouvernement ne peut être seul à absorber le déficit des fonds de pension. Si un employé du secteur public considère qu’il n’a pas les moyens de payer plus cher pour maintenir son généreux fonds de pension, imaginez comment doit se sentir une personne qui gagne 20 $ de l’heure face à de nouvelles hausses d’impôt rendues nécessaires pour renflouer les fonds de retraite de gens souvent mieux payés qu’elle…

Tant qu’une situation est légale, on ne peut reprocher aux gens de s’en prévaloir, et tout le monde le ferait s’il le pouvait. Il faut cependant que les employés du public mettent un peu d’eau dans leur vin et laissent aller certains privilèges qui n’ont plus raison d’être.  

Hélène Dauphinais, économiste, enseignante au Cégep de Sherbrooke
Cet article a été publié dans La Presse et La Tribune du samedi 14 janvier 2012.



[1] Grammond, Stéphanie, « La question à 100 000 $ et plus! », La Presse, 9 septembre 2011, La Presse Affaires, p. 2.