vendredi 28 octobre 2011

La saga des bureaux de Revenu Québec

Le 8 octobre dernier, La Tribune nous apprenait que la Société immobilière du Québec annulait son appel d’offres pour la relocalisation des bureaux de Revenu Québec.  Le ministre Bachand a déclaré prendre cette décision parce que l’exigence faite par la Ville d’installer les bureaux au centre-ville augmentait les coûts de 2 millions de dollars.

C’est certain que quand on parle de l’argent des autres et qu’on a affaire à des montants abstraits pour le commun des mortels, certains trouvent à dire que 2 millions ce n’est pas grand-chose. Pour ma part, je trouve que c’est important. Surtout si l’on prend conscience que le gouvernement doit prendre plusieurs décisions partout à travers le Québec à tous les jours. Si à chaque fois les décideurs se disent : « Bof, quelques millions de plus (jamais de moins), qu’est-ce que cela fait ?» on se retrouve alors avec un gaspillage qui atteint rapidement des proportions imposantes.

De toute façon, le scénario imposé par la Ville est-il réellement optimal? À la lumière des décisions récentes prises par la Ville (pensons à l’inutile règlement sur les logements complémentaires, au fiasco d’Omaterra annoncé avant même la première représentation, à la gestion passive du lourd déficit du fond de pension des employés de la ville), peut-on avoir confiance en la Ville quand elle veut nous convaincre de la nécessité de ce règlement intérimaire? Aurait-il été pertinent qu’un nouvel immeuble se construise sur la rue du Dépôt, à proximité d’une zone inondable, sur un terrain enclavé avec une seule voie d’accès ?

N’en déplaise au maire et aux nombreux conseillers silencieux, Fleurimont se développe rapidement et il est incorrect de dire que les bureaux s'y retrouveraient au milieu d'un champ et accroîtraient l'usage de l'automobile. Il y a déjà plusieurs autobus qui vont au CHUS à Fleurimont. Un arrêt de plus n’aurait pas changé grand-chose. Et à ceux qui disent que les gens n’auraient pas pris le transport en commun, je réponds que les gens ne le prennent guère plus pour aller au centre-ville.  Un indice de la forte présence des autos au cœur de la ville? La rareté des stationnements, qui fait en sorte que le propriétaire de La Maison du cinéma a bataillé pour ne pas avoir à vendre ses si précieux stationnements au propriétaire de l’ancien immeuble Au Bon Marché.

À entendre les  responsables du service d’urbanisme lors de la réunion d’information tenue le 28 septembre dernier, cela fait 20 ans que la Ville veut encourager la localisation des espaces à bureaux au centre-ville. Il n’y aurait donc là rien de bien nouveau sous le soleil sherbrookois. Pour ma part, il y a une différence énorme entre encourager et forcer. Surtout que les citoyens n’ont pas pu se prononcer sur ce changement musclé.

Le monde a tellement changé en 20 ans, que je me demande aussi si les orientations qui étaient valables à l’époque le sont toujours. En 1991, l'ordinateur personnel faisait son entrée dans les foyers québécois. Maintenant, on en retrouve plus qu'un dans plusieurs foyers. Les deux dernières décennies ont vu l’émergence du cellulaire, du télétravail et de plusieurs nouvelles formes de structures commerciales, qu’on pense au Dix30 ou aux « Power center » comme le Plateau St-Joseph. La ville s’est étendue avec la fusion et, pour beaucoup de personnes, le centre-ville est si éloigné que ce n’est pas un lieu qu’ils fréquentent. Mais on continue d’utiliser les mêmes outils pour le développer?

Un des problèmes que fait ressortir la saga des bureaux de Revenu Québec, c’est que la Ville se traîne les pieds dans le dossier du renouvellement du schéma d’aménagement et du plan d’urbanisme, ces deux documents datant respectivement de 1987 et 1991. Lorsque j’ai quitté le comité consultatif d’urbanisme en 2000, le processus de revue de ces documents était enclenché. Sans mise à jour, la Ville se voit obligée d’improviser, de gérer à la pièce, sans savoir si les décisions qu’elle prend correspondent aux aspirations de ses citoyens. La revue avortée du plan d’urbanisme autour de 2006 a montré qu’il existe parfois des écarts considérables entre ce que la Ville désire faire et ce que les citoyens attendent d’elle.  La modification importante du zonage qui touchait des commerçants de Fleurimont a heurté les valeurs des citoyens en 2006. Dans le dossier des immeubles à bureaux, il s’agit encore une fois de retirer des droits à des citoyens qui ont fait l’acquisition de terrains de bonne foi.

Enfin, comment être convaincus que la Ville nous propose de bonnes solutions quand elle fait preuve d’un raisonnement parcellaire. En effet, pourquoi ne pas avoir au moins inclus une clause permettant l’installation de bureaux gouvernementaux à l’extérieur du centre-ville si un bâtiment existant et disponible est utilisé? On dit que Sherbrooke est une ville verte. On nous incite à composter pour permettre un développement durable. Dans cette perspective, l’usage d’un bâtiment existant est de loin supérieur à la construction d’un nouvel immeuble. Et l’énergie sauvée doit correspondre au bénéfice de plusieurs années de compostage! Une disposition de ce genre aurait dû être incluse dans le règlement intérimaire.  Quand on gère le bien public, il faut garantir un certain équilibre entre les divers objectifs de la Ville. Bien sûr, quand on est pressé, on tourne les coins ronds.

Le monde a changé. On souhaiterait que nos élus changent eux aussi et s’adaptent aux défis de la présente décennie, tout en montrant un peu plus d’humilité. Je pense ici au maire qui pense encore dur comme fer qu’il n’y avait qu’une seule solution : la sienne.

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